La peste à Crémieu

LA PESTE

 

« Vit-on jamais, s’écrie Pétrarque, de semblables désastres ? En croira-t-on les tristes annales ? Les villes abandonnées, les Maisons désertes, les champs incultes, les voies publiques couvertes de cadavres, partout une vaste et affreuse solitude. »

 

 

La peste est une zoonose (maladie transmise par les animaux). L’agent responsable de cette maladie est un petit bacille (bactérie en forme de bâtonnet), de 1 à 3 microns de long, qui possède la particularité de résister au froid ; il porte le nom de Pasteurella pestis ou bacille de Yersin du nom de son découvreur Alexandre Yersin qui l’isola en 1894.

La peste est donc provoquée par le bacille de Yersin dont le rat est porteur sans en être affecté lui-même. Il se transmet à l’homme par un parasite commun aux deux espèces : la puce.

La peste se manifeste, après une incubation de deux ou trois jours, par une fièvre élevée, oscillante, souvent accompagnée de délire et d’hallucination, ainsi que de troubles digestifs graves. Elle existe sous trois formes différentes dont deux principales :

 

La peste Bubonique se caractérise, à partir du point de piqûre de la puce par une inflammation des ganglions périphériques, les bubons. Des tâches noires apparaissent sur le corps au niveau de ces ganglions. Sous cette forme la peste est mortelle dans 70 % des cas et la mort ou la guérison intervient trois jours après les premiers symptômes. La mort intervient suite à une infection généralisée.

 

La peste pulmonaire est causée par une inhalation massive de bacille et s’attaque aux voies respiratoires. C’est la forme la plus contagieuse et la plus foudroyante, elle tue en quelques heures et elle est 100 % mortelle.

 

La troisième forme ; la septicémique s’accompagne d’hémorragies diffuses et de symptômes cérébraux important.

 

Dans l’histoire, la première grande manifestation de la peste date du milieu du VIe siècle. Cette peste, dite de Justinien, vint désoler le monde connu de 531 à 580.

 

La grande peste de 1347 fit semble-t-il, en Europe, plus de 24 Millions de morts, soit le quart de la population. Toutes les épidémies de peste qui se sont succédées au Moyen Âge ont entraîné une mortalité considérable. A cette époque les populations n’ont pas conscience que le mal dont elles souffrent est dû à des causes naturelles. Elles y voient un signe de la colère de Dieu et cherchent les responsables. Inévitablement, les groupes marginaux de la société sont désignés comme des victimes expiatoires. Les Juifs sont les premières cibles de cette colère. Accusés d’avoir empoisonné les puits, ils font l’objet de massacres répétés en France, en Suisse et en Allemagne. L’église assurait que ce n’était pas vrai, mais la population n’en avait cure. C’est à cette époque que l’on a créé des quartiers spéciaux pour loger ces Juifs. Bien que le mot « ghettos » ait été employé pour la première fois en 1516 pour désigner à Venise le lieu où résidaient les Juifs, leurs entassement dans des quartiers spécifiquement affectés à leurs intention avait commencé plusieurs siècle avant. Le mot Italien ghetto signifie « fonderie » ou « ferronnerie » et désigne un endroit où l’on fond des métaux – la partie la plus insalubre, la plus étouffante, la plus malodorante et la plus crasseuse des villes. Ghetto en français se traduit par « juiverie ».

 

 

 

Pour échapper à l’air empuanti, les riches fuyaient et s’isolaient dans leurs maisons de campagne. Mais ils emportaient quelquefois la maladie dans leurs bagages.

Les pauvres restaient sur place ou partaient sur les routes. Les fossoyeurs furent décimés à et on embaucha des montagnards que l’on considérait plus aptes à survivre à la maladie selon les conceptions des médecins de cette époque. Mais ils moururent à leur tour.

Même les médecins abdiquaient face à cette terrible maladie qui les décimait un par un. Le médecin Guy de Chauliac qui afin d’éviter l’infamie n’ose s’absenter, le déclare à propos de la peste de 1347 :

 

«La peste, dit-il, fut inutile et honteuse pour les médecins, d’autant qu’ils n’osoient visiter les malades de peur d’être infectés ; et quand ils les visitoient ny faisoient guères et ne gagnoient rien ; car tous les malades mouroient, excepté quelque peu sur la fin. »

 

Enfin, en 1352, la peste disparaît en France, mais elle reviendra frapper jusqu’en 1845.

 

Si la peste de 1564 causa des ravages à Crémieu, celle de Juin 1631 fut bien plus terrible.

 

Le 29 juin 1631 la peste entra à Crémieu sans difficulté du à l’insuffisance ou l’absence de moyens préventifs. En effet, partout des marais stagnants, des édifices entourés de grandes murailles, bordées de fossés profonds aux eaux croupissantes. A l’intérieur de la cité, des rues étroites, des maisons basses, malsaines, des animaux en liberté, l’accumulation de fumier, le cimetière prés des lieux habités, des inhumations faites sans souci de l’hygiène. L’épidémie se répandit alors très brutalement et le 1er Juillet les premiers cas furent détectés. La nouvelle fit rapidement le tour de la cité affolant la population succombant à la panique. Le Mardi 2 Juillet un exode massif débuta. Ces hommes, ces femmes et ces enfants se disséminèrent dans la campagne environnante, secourus nulle part, repoussés de partout et pourchassés pour revenir non loin de la cité errant comme des fantômes autour de ces enceintes. Il ne restait en ville que quelques familles et religieux. Ces derniers, du couvent St. Augustin, se dévouèrent et apportèrent à la population restante leur aide au péril de leurs vies. Villes de commerce, très active et animé, Crémieu semblait anéantie, ainsi « Anne César » au son grave, « Marguerite Abel » à la tonalité claire et « Marguerite Alexandre » la petite dernière au timide tintement ne firent plus entendre leurs sons pendant quelques mois. Crémieu si joviale et enjouée était devenue silencieuse, lieu de désolation, habitée, maintenant, par la grande faucheuse.

Le Capitaine Châtelain, Raymond Deluan, son premier consul, Antoine de La Loy accompagné du deuxième consul Jean Sestier eurent la lourde tâche d’organiser les secours en faisant venir des chirurgiens, des médicaments, des fossoyeurs pour ensevelir les corps et des « parfumeurs » pour désinfecter les maisons. Il fallait aussi assurer la nourriture aux valides, aux malades et aux indigents qui se trouvaient autour de la cité.

Le fléau durera quatre mois et ce n’est qu’au mois de novembre que tout danger disparut. Ce fut l’heure des comptes et on dénombra prés de 800 personnes décédées.

 

En 1720 la peste de Marseille qui dévasta le midi de la France épargna Crémieu qui s’était préparée à la recevoir…

 

Serge Leterrier

 

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